Face à la hausse des taux d’intérêt qui se produira tôt ou tard, la question se pose : faut-il profiter des taux d’intérêt très bas et opter pour un taux fixe avantageux, ou choisir le taux variable, historiquement le moins cher ? Pas simple…
Les taux hypothécaires historiquement bas séduisent beaucoup d’acheteurs. Au début de 2010, le meilleur taux variable offert était de 2,15 %, par rapport à 3,84 % pour le taux fixe d’une durée de cinq ans. C’est presque du jamais vu ! Difficile de résister…
Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin. » La Banque du Canada signale depuis plusieurs mois qu’elle va hausser son taux directeur en 2010 « , prévient Carlos Leitao, économiste en chef à la Banque Laurentienne. Dans cet environnement plus restrictif, le choix d’une hypothèque demande de la réflexion !
En principe, le taux variable demeure très attrayant à long terme. » La quasi-totalité des études sur le sujet concluent que le choix, sur une longue période, d’une hypothèque à taux variable est supérieur au choix d’une hypothèque à taux fixe « , note Mathieu D’Anjou, économiste senior au Mouvement Desjardins.
C’était encore plus vrai il y a trois ans, lorsque le taux variable était 1 % au-dessous du taux d’escompte. Aujourd’hui, en raison de la crise financière, les meilleurs taux variables sur le marché sont au-dessous du taux directeur par un maigre 0,10 %. Cela a pour effet de diminuer leur attrait, surtout lorsque les taux grimpent.
Ainsi, si le taux variable montait suffisamment durant les cinq prochaines années, et équivalait en moyenne au taux fixe de 3,84 % sur cinq ans, vous n’auriez pas avantage à opter pour la variabilité. Car les paiements d’intérêt et le remboursement du capital seraient pratiquement identiques dans les deux cas.
En revanche, sous ce seuil, le taux variable serait sans contredit plus avantageux. À l’inverse, s’il était en moyenne supérieur à 3,84 % (ex. : 2,5 % à l’an 1, 4,5 % aux années 2 et 3, et 5 % aux années 4 et 5), le taux fixe l’emporterait.
Cependant, pour choisir, encore faut-il prédire l’évolution des taux d’intérêt… » D’après nos simulations, il y aura peu de différence entre les taux variables et les taux fixes au cours des cinq prochaines années « , dit Mathieu D’Anjou.
HYPOTHÈQUE À TAUX VARIABLE : LE CONTRE
» L’avantage du taux variable est qu’il facilite l’achat, note Daniel Leboeuf, conseiller hypothécaire accrédité chez Multi-Prêts. Il réduit les mensualités de l’acheteur. »
Le hic, c’est que bon nombre en profitent pour acheter une plus grande maison, à la limite de ce qu’ils peuvent se permettre. Puis, dès que les taux commencent à monter, c’est la panique. N’ayant pas l’élasticité nécessaire dans le budget pour absorber cette hausse des dépenses, ils opteront pour un taux fixe.
» Si vous choisissez le taux variable en ce moment, vous devez être capable de tolérer les hausses « , dit Daniel Leboeuf. Par exemple, si le taux hypothécaire grimpe de 2,15 à 3,15 % et que vous avez emprunté 200 000 dollars, amortis sur 25 ans, vos mensualités augmenteront de 101,71 dollars et passeront à 964,10 dollars. En un an, vous aurez donc déboursé 1 220,52 dollars de plus.
Cette hausse des mensualités ne doit pas déstabiliser votre budget. Mais dans les faits, en regardant autour de nous, nous constatons que peu de gens ont cette flexibilité financière.
» Ce genre de fluctuations ne convient pas du tout aux premiers acheteurs, note Daniel Leboeuf. Car une première acquisition entraîne beaucoup de coûts directs (la mise de fonds, taxe de bienvenue, taxes municipales, etc.) et indirects (par exemple, l’aménagement des lieux, l’achat d’une tondeuse). » Ils doivent plutôt opter pour le taux fixe, plus sécuritaire, afin de mieux planifier les dépenses.
LES INCONVÉNIENTS DU TAUX FIXE
Le taux fixe a pour sa part deux inconvénients majeurs : il est généralement supérieur au taux variable, et il ne vous permet pas de profiter des baisses de taux. En optant pour ce taux, vos mensualités seront donc automatiquement supérieures. Vous seriez encore plus pénalisés si les taux d’intérêt chutaient.
En revanche, il vous protège contre les hausses de taux le scénario le plus probable à l’heure actuelle. Le contexte est donc propice à la fixation des taux.
Le taux fixe convient plus particulièrement aux personnes qui aiment planifier leurs dépenses à moyen ou à long terme – certains taux fixes sont offerts sur dix ans (5,35 % au début de janvier) – et détestent s’interroger sur l’évolution future des taux d’intérêt.
DES SOLUTIONS MITOYENNES
Si, malgré la hausse imminente des taux, vous êtes néanmoins attiré par le taux variable, il existe une stratégie pour réduire votre risque : la fixation des paiements. Cette stratégie consiste à faire des paiements mensuels qui correspondent à un taux plus élevé, disons 5,5 %. Tant que le taux variable courant sera inférieur à 5,5 %, vous rembourserez plus rapidement votre emprunt. Mais dès que le taux courant montera au-dessus de 5,5 %, vos mensualités augmenteront, mais plus modestement.
» En réduisant l’emprunt plus rapidement, vous diminuez votre vulnérabilité aux chocs, note Yvon Rudolphe, courtier immobilier agréé chez Rudolf et associés. Si votre situation financière se dégradait, vous auriez une marge de manoeuvre. » Vous pourriez, par exemple, modifier la période d’amortissement.
Par contre, si c’est le taux fixe qui vous tente, la solution est de ventiler votre prêt. Prenez, par exemple, les taux suivants : 2,15 % sur un an, 3,25 % sur trois ans et 3,84 % sur cinq ans. Vous pourriez pondérer les termes d’un an et de trois ans par 33 %. Le reste, soit 34 % de l’hypothèque, sera financé sur cinq ans. Vous auriez alors un taux pondéré annuel de 3,09 %.
Si, au cours de la deuxième année, lorsque vient le moment de renouveler l’hypothèque d’un an, vous obtenez un taux de 4 %, votre taux annuel pondéré grimpera à 3,70 %… Ce qui est plus abordable que 3,84 %, le taux fixe sur cinq ans. Cette stratégie vous permet donc d’obtenir un taux moyen raisonnablement bas tout en amortissant l’effet d’une hausse de taux.